APPRIVOISER LE TRAC


2ème partie : Comment agit le trac – vers de bonnes pratiques


Pascal Montreuil, février – mars 2015


Quelques préliminaires.


Dans la première partie, j’ai souhaité situer le trac, d’une part pour ne pas le confondre avec ses effets et d’autre part pour mettre en évidence que face à des événements exceptionnels, il semble nécessaire d’aller plus loin dans une connaissance de soi.

J‘ai aussi souligné le fait que notre régime actuel de vie est fortement perturbateur. Pour tout dire, nous sommes dans un climat de suggestions permanent et il importe d’y veiller pour rester soi-même. Ces suggestions engendrent des doutes et des peurs, des schémas, nous infligent un conditionnement et il est parfois bien difficile de s’y retrouver là-dedans.

Se retrouver seul face à un public sur une scène, ou se retrouver seul parce qu’on remet en question ce mode de vie contemporaine est à ranger dans le même registre.

Vous, musiciens et chanteurs, vous êtes confrontés à cette foutue suggestion de la performance. Toute une partie du climat actuel est basée sur cela.


Ce qui va donc être le plus important pour nous, c’est de réussir à être soi-même. Toute une décantation de notre conditionnement de ce point de vue, est nécessaire. Le monde de la musique « classique » n’y échappe pas, j’imagine.

Profitez d’événements dans des petites salles, où le climat d’intimité avec le public est porteur, pour regarder si votre trac est différend …

Faut-il alors parler de se protéger ? Par expérience personnelle – mais constaté par d’autres – c’est que notre vraie protection, c’est d’être soi-même. Ce n’est pas là un discours qui conduit à l’égocentrisme car pour réussir cela, il importe de se connaître beaucoup plus en profondeur que nous le faisons d’habitude dans notre quotidien. Et ce travail personnel rejaillira sur notre quotidien aussi.

Un avis tout personnel par mes propres recherches : il existe beaucoup de morceaux de musique dite classique qui sont de véritables éducateurs pour notre psychisme ; notamment pour inspirer l’élaboration de nos émotions en véritables sentiments, avec toutes les difficultés que cela représente (la musique dite romantique par exemple).

La musique de Mozart est particulièrement régénératrice pour notre corps. (voir la méthode Thomatis : http://www.tomatis.com/fr/methode-tomatis/son-fonctionnement.html ).



Toutes les pratiques qui seront évoquées auront ce but : nous aider à être toujours plus présents dans nos actes, nos émotions, nos sentiments, nos pensées et notre corps. Nous aurons donc des pratiques corporelles, psychiques et spirituelles. Certaines feront partie d’un travail de fond, d’autres seront plus à lier à la préparation d’un événement.

Nous pouvons avoir besoin d’une aide pour démarrer un tel travail ; je citerai alors les pratiques que je connais en essayant de les situer au mieux pour que vous puissiez repérer celles qui peutvent vous convenir personnellement ; dans le temps, cela peut changer.

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… en cas d’urgence.



Si vraiment, on a besoin d’une aide « urgente », il sera bon de se tourner vers ce qu’on appelle l’hypnose.

Je vous cite une description faite par un spécialiste médical qui décrit cela pour justement aller dans le même sens que j’évoque : être soi-même en recherchant un soi-même inconnu « inconscient ». A ceci près qu’au départ, nous passerions par un intermédiaire.

Adresse du lien : http://www.hypnose-medicale.com/quest-ce-que-lhypnose-medicale

De François Roustang :

Hypnos en grec signifie sommeil. De quel sommeil s’agirait-il lorsque l’état d’hypnose est réalisé ? De la mise en veilleuse de la conscience claire et distincte (que l’on peut nommer aussi conscience consciente ou esprit conscient) au profit de l’éveil d’une conscience inconsciente.

La conscience est dite consciente (conscious awareness) dans la mesure où elle est restreinte, car elle ne peut porter son attention qu’à un nombre limité d’éléments.

La conscience est dite inconsciente (unconscious awareness) dans la mesure où elle supporte la totalité des souvenirs, des perceptions des sens externes et internes, des résultats et des possibilités d’apprentissage. Ces éléments sont trop nombreux – ils sont infinis – pour être distingués par la conscience consciente : elle s’en trouve donc obscurcie. La conscience inconsciente qui supporte ce grand nombre peut être identifiée à la totalité de la personne incarnée, donc au corps vivant en tant qu’il est esprit. Cette conscience inconsciente pourrait tout aussi bien être appelée vigilance généralisée.

Entre vigilance restreinte et vigilance généralisée, il existe tous les degrés possibles de vigilance. Ce qui pourrait faire comprendre que l’on définisse l’hypnose comme un état modifié de conscience. Encore faudrait-il souligner qu’il ne s’agit plus de la conscience proprement dite à laquelle se réfère le sens commun.

L’induction de l’hypnose est le passage de la vigilance restreinte à la vigilance généralisée.

Ce passage qui est toujours le fruit d’un accord ou d’une décision du patient, est favorisé par diverses techniques (fixation du regard, attention portée aux différentes parties du corps, confusion, etc.) et par l’état de vigilance généralisée dans lequel se trouve le thérapeute. C’est par ces techniques et par cet état que le thérapeute peut être dit : user de suggestion. Le pouvoir du thérapeute a donc pour fondation la largeur et l’intensité de sa veille généralisée. Là où les modifications opérées par l’exercice de l’hypnose peuvent être comprises comme la transformation de la rigidité des habitudes, enregistrées par l’esprit conscient, en souplesse et fluidité grâce à l’expérience de la complexité et de la force de la vigilance généralisée.

L’esprit inconscient met à la disposition du patient les nouvelles possibilités et capacités qui vont lui permettre de changer.

Dans cette perspective, il est facile d’admettre que l’hypnose puisse être considérée comme médicale. Elle est en effet capable de guérir certains troubles ou comportements nocifs (contrôle de la douleur, addictions, difficultés alimentaires, dysfonctionnements psychiques ou psycho-somatiques). Quelqu’un, par exemple, voudrait bien ne plus fumer. Son passage par la vigilance généralisée lui permettra d’une part de mesurer et d’approfondir le degré de sa détermination, d’autre part de prendre appui sur des forces et des intérêts nouveaux qu’il ne soupçonnait pas et qui rendent dérisoire en comparaison le plaisir de la cigarette. L’hypnose guérit alors parce que, modifiant le contexte d’une habitude, elle en détruit le ressort.

L’hypnose est aussi médicale, au sens traditionnel du terme, car elle est une manière privilégiée de développer certains aspects de cette pratique : la présence du médecin, son attention au patient, l’échange entre patient et médecin. On sait que ces traits constituent le premier remède et rendent possible l’efficacité des autres remèdes.



J’apprécie cette façon de dire les choses pour une raison essentielle : admettre qu’il existe une conscience (inconsciente) qui échappe à notre conscience de tous les jours (conscience de veille). Cela permet, nous le verrons, de bien situer et caractériser le « mental » et qu’alors, les obstacles à surmonter apparaîtront plus clairement.



Vous comprenez que sans un intermédiaire (médecin ou spécialiste de l’hypnose), on peut recourir à cette façon de faire en pratiquant l’auto-hypnose (entre autre).

Vous trouverez aussi une possibilité d’être aidé avec la méthode TIPI (http://tipi.pro/accueil/) : c’est une approche qui permet de contacter ses peurs inconscientes dans le but d’en prendre conscience en identifiant leur existence et ce qui peut les motiver, les déclencher.



De mon point de vue, ces méthodes visent un même but : à savoir de se connaître mieux en étant aidé pour franchir les premiers obstacles qui nous en empêchent. Un certain savoir-faire permet cela en sécurité avec l’assurance que quelqu’un est là, ce qui peut être indispensable dans certains cas. Si le trac fait que nous sommes envahis par la peur, ne pas hésiter à faire ses premiers pas avec ce genre d’aide.

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Deux types de travail personnel seront à mettre en œuvre :

Un travail de fond

Un travail qui accompagne la préparation à l’événement


Quatrième partie : Notre « mental », ce « moi » qui doit grandir


De quoi est-il constitué et par quoi est-il alimenté ? Avec tout ce qui existe et dans lequel nous avons été plongé : l’héritage physiologique et psychique, et celui de notre culture, notre éducation ; ajoutons ce que nous sommes et ce que nous avons appris par nous-mêmes. Mais il y a aussi les instincts qui sont des éléments de garantie de l’intégrité du corps (que l’on retrouve aussi chez les animaux). Au fil de notre vie, ces derniers sont reliés à nos émotions, nos sentiments, nos pensées et nos actes. Ce corps physique est « le lieu d’habitation » que nous transformons avec ce que nous sommes et avons été.

Qui veut voyager loin ménage sa monture, dit le dicton. Le corps est en quelque sorte un acteur privilégié pour nous informer de notre état de santé : apprendre à l’écouter est tout aussi important que le nourrir, le mettre au repos etc. Ses réactions instinctives font qu’il ne « triche pas » ; Cet instinct a tôt fait de nous déborder si nous sommes en danger. De plus, le corps est le dernier support pour nos souffrances psychiques. Le corps les « transforme » en douleurs. Nous touchons là le domaine de la psycho-somatique.

Pour étayer le fait d’être à l’écoute de son corps, je cite Rudolf Steiner : « il y a plus d’intelligence dans notre main que celle que nous avons par notre intellect ».


Pour nous aider à saisir ce « mental », je vais utiliser deux exemples.

Le premier exemple que je peux citer, c’est celui d’une personne qu’on interroge sur ce qu’elle ferait en cas d’incendie : elle nous répondrait en y réfléchissant qu’elle essaierait de venir au secours d’autres personnes etc. Et puis, voilà qu’elle se trouve en situation et qu’elle est la première à être dehors, à se mettre à l’abri. Nous voyons alors le décalage entre ce que l’on croit de soi, son opinion, avec la mise en situation.

On peut être de toute bonne foi et pourtant se tromper. Pourquoi ? Le mental n’est pas l’instrument de l’action, du présent. Ce type d’illusion entretient le doute, ce qui peut entraîner la peur.

On pourrait se faire le même type d’illusion avec le trac.


Dans le deuxième exemple, prenons une situation connue : je descends les escaliers avec aisance, rapidité, sans réfléchir et ma foi, tout ce passe bien et tout d’un coup quoi ? Je me « réveille » ? Je « reprends conscience » ? Je reprends le « contrôle » ? Rien qu’en faisant cela, ma descente « automatique » des marches peut s’interrompre en ratant une marche ou pire. Que s’est-il passé ? Quelque chose en moi qui sait très bien le faire assurait cette descente. Et puis, autre chose saisit la situation et alors ! Est-ce qu’à ce moment, je prends peur ? Je réfléchis instantanément au fait qu’en allant si vite, je risque de me casser la figure ; mais les conséquences ? Tout était en mouvement, dans l’équilibre, avec assurance qu’en maintenant un rythme, une vitesse et laissant le « corps faire », tout va bien. Lorsque j’interromps cela, la réflexion passe par le doute et la peur, incontestablement.

Quelque chose s’est interposée en venant perturber le bon déroulement d’un savoir-faire qui n’avait pas besoin de ça.

Maintenant, est-ce si simple d’avoir une présence capable d’observer en faisant confiance à cet autre aspect de soi, capable de prouesses physiques ?

Nous constatons qu’en nous cohabitent des choses qui peuvent se contrarier. Il faut un effet de surprise (celle-là n’est pas agréable) pour s’en apercevoir.


D’un côté, j’ai un savoir-faire « vivant » très en lien avec le corps : c’est là que nous trouvons les acquis physiques. Savoir marcher, courir, et tout ce que nous pouvons apprendre avec une pratique qui met nos membres en action. Notre base corporelle nous offre une capacité d’apprentissage. La « technique » instrumentale se trouve incluse dans cette base corporelle. Le premier niveau de dépendance est clairement le fonctionnement corporel : articulaire, musculaire, nerveux, et nous y ajouterons un deuxième niveau : la « confiance » dans cet acquis.

Bien que nous puissions être conscients de ce savoir vivant, notre « conscience de tous les jours » n’y participe pas directement, elle peut même le perturber (notre escalier). Le seul moment de lien direct entre ce savoir vivant et notre conscience habituelle, c’est l’apprentissage. Nous nous rappelons toutes et tous des réticences vécues dans ces moments.

Dès qu’il y a acquisition de ce qu’on apprend par ce savoir faire corporel, il est bon à un moment de lâcher-prise avec notre conscience habituelle. Ce point délicat met en évidence que notre conscience habituelle est capable d’aller chercher nos difficultés d’apprentissage dans notre mémoire et nous resservir ce plateau, ce qui va engendrer la même chose que rater une marche de notre escalier. Apprendre un nouveau morceau de musique, nous place dans cette situation.


Quel est – si je peux dire – le meilleur « juge » pour ce savoir faire vivant : c’est notre ressenti. Et voilà l’un des premiers éléments significatifs de notre corde bien tendue (de notre trac en fait). Le ressenti va nous aider pour trouver la juste tension. Ce ressenti est à mettre sur le même plan que la résonnance de l’instrument : c’est notre écoute orientée vers la justesse. Pour parvenir à cela, nous devons avoir aussi un bon instrument. C’est le corps ! Notre premier instrument à accorder, c’est notre corps ! Pour les chanteurs(euses) c’est évident. Pour les instrumentistes, cela devient évident en cas de problèmes, sûrement avant aussi. Mais cela devient plus aigu (et cela peut être grave) en cas de problèmes.

Et le corps est en relation avec l’extérieur : il y aura donc aussi à accorder notre corps avec l’extérieur : la scène, le public, les jurys etc… Mais aussi, avoir froid, chaud ! De même, notre ressenti sera prépondérant ; et c’est avec lui qu’il faudra vraiment compter pour trouver les facteurs de confiance qui permettront à ce « petit moi – mental » de lui aussi trouver sa « justesse ». De ce point de vue, ce mental n’est vu que comme un écho de notre « moi ».


J’essaye de faire ressortir tous les éléments qui vont nous mobiliser pour rechercher cette présence à soi-même. Il ressort tout de suite que comme nous apprenons la technique instrumentale, nous avons à éduquer notre mental et notre ressenti : de cette façon nous conduirons ce que nous sommes vers une justesse qui imprégnera nos actes. Nous aurons à créer en nous quelque chose qui permet cet accord global entre des éléments qui peuvent paraître contradictoires et qui nous infligent des luttes intérieures. Là, le trac est un indicateur précieux pour mettre en évidence que nous ne sommes pas dans un rapport juste avec ce que nous sommes réellement. Notre conscience est en fait plus vaste que ce que notre attention courante peut saisir. Que faire pour éclairer cette conscience et l’utiliser ?


Maintenant, voici un autre exemple : Je suis en voiture et je roule régulièrement depuis pas mal de temps et je tombe petit à petit dans une somnolence avec, par moment un sursaut. En observant attentivement, je peux m’apercevoir d’une chose : si vraiment je commence à m’endormir alors un sursaut plus intense « me réveille ». Cela peut même aller jusqu’à se dire que « quelqu’un » nous a réveillé. Fort heureusement, ce veilleur est là et peut même « conduire » si nécessaire avec une certaine limite. Certains vous diront que notre ange gardien est passé par là au bon moment.

Cet exemple fait état de cette autre « conscience » qui ne se limite pas à notre acquis, nos habitudes etc. qui sont les éléments utilisés par notre mental quotidien.


Je vous propose un exercice pour vous situer dans le rapport entre votre « mental » et votre corps :

Debout, tendre le bras droit à hauteur d’épaule (gauche pour les gauchers) devant soi le pouce levé, poing fermé ; faire une rotation du tronc (vers la droite pour les droitiers et inversement pour les gauchers) (sans bouger les jambes ni les pieds qui restent bien au sol) et voir la limite arrière de la rotation en regardant le pouce levé. Revenir à l’initial bras tendu et pouce levé devant soi, puis mettre les bras le long du corps et fermez les yeux. Ensuite, imaginez (les yeux fermés) que votre bras avec le pouce levé fasse un tour complet (en revenant à sa première position) dans le même sens que lors de la rotation initiale physique ; puis imaginez qu’il fait 3 tours complets ; idem 1 tour puis 3 tours dans le sens inverse. Attendre une minute environ les yeux fermés et refaire la rotation avec bras et pouce physiquement : que constatez-vous ?


Cinquième Partie : notre « humanité » vue par l’anthroposophie (en résumé)


Il est temps maintenant d’amener des conceptions qui découlent des observations faites par Rudolf Steiner.

Nous pouvons discerner trois états dans ce que nous vivons tous les jours :

L’état de veille, celui de la journée : par cet état nous sommes liés très intimement à notre corps et il nous sert pour percevoir, ressentir, penser. Si une partie du corps est défaillante, ces facultés sont altérées en conséquence. Le corps est l’instrument de notre âme et notre moi. Notre conscience de veille dépend du corps et pour une grande part, elle dépend de notre tête. En elle se rassemble tout ce qui est perçu par nos sens et notre faculté de penser en fait une représentation. Avec la vision, notre représentation-image obéit à des lois particulières : si nous regardons une allée d’arbres, nous « voyons » les deux rangées d’arbres se « rejoindre » à une certaine « distance ». Tout ce que nous vivons passe par se faire une représentation pour que nous ayons conscience de soi. Nous avons en permanence une représentation de soi à laquelle nous rattachons toutes les autres. C’est ce complexe qui fait ce qu’on appelle le mental.

C’est là que pourra commencer notre travail personnel.


A l’opposé, un deuxième état est le sommeil (celui sans rêves) : là, il n’y a plus de conscience, plus de soi-conscience. Mais c’est dans cet état que le corps se régénère. Ce sommeil réparateur pour le corps a cette exigence de ne plus avoir conscience. La fatigue vient lorsque nous « habitons » ce corps, la journée. Mais que se passe-t-il pour soi en réalité dans cet état de sommeil profond ?


Entre les deux, un état de rêve : semi-conscience ou semi-inconscience avec pour certains des moments exceptionnels avec des « rêves » conscients sans pour autant en comprendre la signification (certains se rapportent à notre organisme, d’autres à des prises de conscience en cours ou à venir). Ceux-là empruntent à un langage symbolique la plupart du temps. Ces rêves ont lieu en général en milieu de nuit. Ceux du matin avant le réveil viennent par la reprise de « contact » avec le corps, d’où ces mélanges avec notre vie quotidienne.


J’avais mis en évidence la notion de polarité dans la première partie : nous avons maintenant une polarité veille-sommeil. L’hypnose est un moyen de rentrer dans un état du sommeil. Il y a plusieurs phases dans le sommeil. Je ne rentrerai pas dans ses détails. Ce qui va être important pour nous c’est de chercher le-les moyen(s) de permettre une régénération du corps en restant conscient (en devenant même plus conscient que d’habitude). La relaxation est un terme général qui nous rapproche du but que nous nous fixons maintenant.


Situons à présent les fonctions sur lesquelles nous allons travailler :

Celle qui sert à nous représenter, à nous faire une image de ce que nous voyons mais aussi s’y adjoint tout ce que nos sens amènent, les sensations. Nous ne pouvons nous faire une représentation que lorsque les sensations sont associées aux pensées (concepts) dans notre conscience. Cette représentation est aussi à la base de nos souvenirs. Dès que nous détournons notre attention de ce que nous regardons par exemple, il en reste la représentation et suivant l’importance que nous lui accordons, celle-ci va être mémorisée. Un certain attachement au corps se fait par ce processus (jusque dans la matière).

La plupart du temps, nous ne nous occupons pas de cette succession de phénomènes et nous en sommes inconscients pour la bonne et simple raison qu’on ne peut pas à la fois se voir et faire. Il est nécessaire d’avoir recours à des moyens exceptionnels pour pourvoir observer tout cela.


Rudolf Steiner distingue trois fonctions : penser, ressentir et vouloir et il les met en rapport avec conscience de veille, conscience de rêves et conscience de sommeil. Le penser est ce qui nous est le plus conscient, nous le vivons comme dans l’état de veille. Le domaine du sentiment, ressentir, est vécu dans une conscience de rêves. Le vouloir est vécu dans un état de conscience comme dans le sommeil sans rêves. Ici, il importe de ne pas confondre ce que permettent ces fonctions avec les représentations que nous nous en faisons. Avoir un sentiment n’est pas la même chose que de se le représenter : en se le représentant, le penser se lie à ce sentiment. Nous situons alors bien mieux ce qu’on appelle le mental : il est bien alimenté par nos représentations, aussi bien celles du présent que celles que nous avons gardées en mémoire (avec plus ou moins de précisions par rapport au vécu correspondant). Nous y trouvons donc aussi tout ce qu’on a subi, nos traumatismes etc.

Le principe des associations de pensées passe par ce mental. Nous confondons cela avec le véritable phénomène du penser. Ceci à tel point que nous confondons penser avec ce qui se passe dans notre tête.

Il situe aussi ces trois fonctions par rapport à leurs « attachements » au corps.

La faculté de se représenter (impulsée par le penser) est attachée à notre tête et tout notre système nerveux. Le vouloir est attaché aux membres et au métabolisme. Le ressentir est attaché à toute la fonction respiratoire et circulatoire.

Le moi, celui que nous cherchons et qui fait écho pour former le mental, est attaché au sang, plus précisément à l’élément chaleur lié au sang.


Un dernier discernement va être nécessaire : corps, âme, esprit.

Par corps, on désigne notre corps physique avec tous ses éléments communs avec notre environnement : minéral, végétal et les éléments air, eau, terre, chaleur (feu). Il est l’instrument de l’âme en état de veille.

Par âme, on désigne notre monde intérieur dans lequel nous pensons, nous ressentons, nous voulons. C’est dans l’âme que nous formons nos représentations. Dans notre âme, se manifestent également les instincts qui nous apparentent à l’animal.

Par esprit, on désigne tout ce qui nous apparait « organisé » d’après des lois ; une même espèce de fleurs refleurira à chaque printemps. Les astres se meuvent suivant des lois précises. Nous avons là, visible, les effets de ce qui est esprit. La fonction « penser » est ce qui nous met en rapport plus conscient avec ces lois de l’univers, ce qui vient de l’esprit.


L’âme en s’auto-déterminant se tourne vers l’esprit. Elle s’appuie sur le corps pour mener ce discernement jusqu’à acquérir une soi-conscience. Elle ouvre alors la porte pour faire naître en elle de l’esprit. Ce rapport à l’esprit la conduit vers l’être, elle se dote ainsi d’un « moi ». C’est ainsi que nous avançons vers la liberté.


Vous avez le droit de me dire : mais en quoi tout cela peut nous aider pour le trac ?

En premier : Je répondrais par le fait que le trac est un de ces phénomènes révélateur de ce qui se passe en nous et dont nous ne sommes pas conscients. Ce trac nous touche directement dans notre rapport à l’extérieur avec les conséquences sur notre intérieur.

En deuxième : La musique est un art essentiel pour l’éducation de notre sentiment, notre ressenti. Mais c’est aussi une éducatrice pour former nos représentations. Rudolf Steiner a dit que notre évolution nous fera découvrir et vivre le fait que « la pensée est musique » …


Qu’est-ce qui peut nous aider à devenir plus conscient, plus attentif … pour ne pas subir … Car c’est bien la proposition que nous nous sommes faites à propos du trac …


C’est une pratique ancestrale, à la mode aujourd’hui (le mot surtout). Elle prend plus d’importance en ce moment car il devient de plus en pus évident de se prendre en main. Tout nous y pousse. Cette pratique, c’est la méditation. Encore faut-il comprendre ce que l’on cherche avec cela ? La visée première de la méditation est d’accéder à sa conscience, ce qui suppose d’admettre qu’à l’état de veille de la journée, on ne saisit pas tout ce qui se passe dans notre conscience. Cela suppose aussi de mettre en évidence le rôle du vouloir, la mise en mouvement de notre volonté pour être capable d’attention pour tout ce qui nous échappe. Quelque soit le type de pratique, la méditation a ce seul but en réalité : percevoir les choses telles qu’elles sont …

Elle sera notre base, notre travail de fond. Nous nous servirons des possibilités qu’elle nous apporte pour travailler sur une représentation que nous nous ferons sciemment et consciemment de l’événement à préparer (certains appellent cela visualisation mais c’est plus que cela).


Là, je me dois de vous mettre en garde car le mot « méditation » étant à la mode, on trouve une littérature très abondante, des CDs, des DVDs. Il y a une confusion entre méditation et suggestions relaxantes voire auto-hypnotiques. Hors c’est bien ce qu’il convient d’éviter.

La méditation aujourd’hui doit nous aider à nous connaître soi : elle suppose de la pratiquer seul (ceci permet ensuite de connaître à partir de soi-même). Les méditations en groupe ont d’autres objectifs et cela suppose d’avoir affaire à des personnes intègres (pour ne pas dire plus).


Pour être encore plus concis, je veux préciser ceci : ce n’est pas la posture ou les exercices mentaux qui font la méditation. Nous devons comprendre qu’en fait nous nous préparons grâce à des pratiques et ensuite la méditation vient (ou ne vient pas) … c’est un état perceptif appliqué à sa conscience qui nous met dans un état d’attente pour « recevoir » la méditation. Pour y arriver, nous devons nous entraîner à nous concentrer ou plus exactement à devenir attentif. Les bons exercices sont ceux qui font ressortir les obstacles et ceux qui nous rendent conscients. Il ne s’agit surtout pas d’entrer dans un conditionnement si subtil soit-il. Par contre ces exercices sont d’une aide précieuse pour mieux se gérer, pour avoir des actions nettes et contrôlables. Etre calme n’est pas se calmer (sous-entendu en se maîtrisant), ni ne rien faire. Le calme vient parce qu’on a pris conscience de son agitation mentale avec une certaine acuité par exemple. Il résulte alors d’une action de perception.

Pour être encore plus clair, voici un extrait de conférence de Rudolf Steiner : La méditation est le premier acte libre que l’homme puisse faire … Et j’ajoute que c’est bien là la difficulté ! C’est en effet paradoxal d’apprendre de soi-même « comment être soi-même ».

En fait, si l’on arrive à observer son âme, son intériorité, nous sommes dans la méditation. C’est seulement à partir de cet état que nous serons à même d’agir sans aucune suggestion extérieure. La méditation nous aide à amener notre conscience là où d’habitude nous sommes en sommeil.


Le premier effet d’une attention soutenue, d’une concentration plus intense est que « nous allons moins nous appuyer sur le corps ». Un Krisnamurti ou un Steiner vous diront qu’il est possible d’atteindre un tel degré d’attention que le corps peut se régénérer comme dans l’état de sommeil sans rêves. Par exemple : il devient possible de penser sans détruire les cellules du cerveau (neurones). Scientifiquement, il est constaté maintenant qu’il y a moins de liaisons de neurones chez les méditants.

Nous pouvons acquérir ainsi une possibilité de se percevoir comme si on avait affaire à quelqu’un d’étranger. Rechercher la méditation conduit donc à une situation exceptionnelle ; ce que nous ne pouvons pas faire dans le quotidien.


Par les exercices, nous n’allons pas chercher autre chose que de se rendre conscient de ce qu’on fait par habitude.

Que se passe-t-il quand nous respirons, regardons, entendons, goûtons, etc …

Quel est notre ressenti en étant debout, assis, allongé ?

Quel est notre ressenti quand nous marchons, courront ?

Quel est notre ressenti quand nous sommes stressés, tendus, ou au contraire détendu ?

Pouvons-nous ressentir la différence entre subir, se rendre dépendant ou avoir une attitude calme et sereine qui nous laisse libre ?

Que se passe-t-il lorsque nous pensons ?

Puis-je affiner mon ressenti pour mieux saisir quand j’ai besoin de repos, que le corps a besoin de se régénérer ?

Puis-je avoir un autre regard sur ma vie passée ?

Et puis, diriger tranquillement cette interrogation (non intellectuelle) par l’attention vers son activité de musicien …

Cette auto-éducation est à notre portée en fait. La différence vient de faire cela en conscience, de manière totalement volontaire et décidée. Nous avons beaucoup à apprendre de nous-mêmes …


Sixième partie : moi et la musique – ma vocation – méditer


Pour commencer, il est très important de rechercher le ou les moments qui ont été décisifs pour que nous en soyons là. Nous comprendrons quelque chose d’essentiel : nous avions dans ces moments, rendez-vous avec nous-mêmes. Si cela est resté inconscient, nous essayerons de ressentir ce que nous éprouvions en nous appuyant sur les souvenirs de ce ou ces moments (peut-être de les rechercher). Eprouver intérieurement que nous sommes à notre place est un terrain sûr pour notre confiance. Ce sentiment est à cultiver ; il est le garant de notre face-à-face avec l’avenir dans notre métier, notre vocation.

Toute notre liberté commence avec le fait d’accorder sa conscience avec elle-même.

S’ouvrir à ce genre de sentiment sera la base de notre ressenti ; nous attendrons de cela, que nous soyons renseigné sur ce qui est juste pour soi. C’est avec ce sentiment que nous pouvons « regarder » notre rapport avec la musique. Ce sentiment fera apparaître notre joie, notre plaisir, ce qui nous est sympathique ou au contraire antipathique. Et il sera important de nous respecter de ce point de vue.


Une fois ce terrain sûr acquis, nous essayerons de saisir « comment nous nous rendons dépendant de quelque chose », ce qui fait que l’on subira. Regarder cela, c’est tout.


Nous comprenons petit à petit qu’il sera particulièrement important de « placer » dans notre conscience (méditative) l’événement pour lequel nous devons nous préparer (l’idéal, c’est dès que nous l’apprenons). Il sera bon de regarder si dès le début, nous sentons les symptômes du trac.

Recenser les difficultés, faire le point de tout ce qu’il y a à faire, là où c’est acquis, là où il est nécessaire de progresser, regarder si nous allons nous mettre en danger, devoir prendre des risques et comment s’y préparer. On prendra grand soin à faire cela, comme si on peignait un tableau. A partir de là, prendre les décisions et s’y tenir. Ecrire est une option possible.

Il est temps maintenant de se faire une représentation initiale sur laquelle nous rattacherons tout ce qu’il y a à faire. Enrichir celle-ci avec notre ressenti, avec cet arrière-plan de voir ce qui est accompli et ce qu’il reste à accomplir (nous nous situons ainsi dans le présent de manière juste entre passé et futur, ce qui a pour effet de débloquer les énergies nécessaires à l’accomplissement). Etre conscient de ses progrès est essentiel pour ne pas laisser entrer le doute, voire la peur. Nous cherchons par là à nous accorder avec l’événement. Ici, nous serons attentifs aux symptômes du trac. Est-ce que certains disparaissent en fonction d’un progrès ? Notre appréhension diminue-t-elle ? etc.


Lorsque l’on fait cela, il est important, très important, d’être heureux du moindre progrès (Steiner) sans pour autant s’y arrêter. Les orientaux conseillent même de se féliciter d’avoir médité ou essayer de le faire.
Je conseille personnellement de faire cela pour les exercices de musique, l’apprentissage d’un nouveau morceau et aussi dans la répétition. Prendre un temps de repos pour cela. Ce temps de repos assoit notre présence à nous-mêmes. Il sera bon aussi de se donner un exercice de musique en le faisant comme d’habitude et puis, en état méditatif ; avec encore une fois, un temps de repos en regardant, en ressentant, ce qui s’est passé.
Il ressortira probablement à un moment que l’on s’apercevra que l’on peut faire les choses de façon relâchée sans perdre son dynamisme. Le corps sera sollicité d’une manière plus juste, moins fatigante. Nous apprendrons à « descendre notre escalier » sans la rupture qu’occasionnent doute et peur.
Dans ce travail intérieur, il est aussi très important de ne pas se juger : les choses apparaissent d’elles-mêmes ; si quelque chose n’est pas en place, on le verra. Bien sûr, la confiance en ce travail vient avec la pratique. A noter que les choses peuvent apparaître hors de l’état méditatif, donc être vigilant pour ne rien perdre.
Ce genre de travail sur soi tranquillise pas à pas notre mental. La confiance en soi se renforce d’elle-même. Tout ce qui était occupé par le doute et la peur (ou pouvait l’être) est maintenant occupé par une quiétude du travail accompli.
Un autre point capital aussi : ne jamais en faire trop. Un apprentissage pour méditer n’a pas besoin d’un grand temps. Steiner disait : cinq minutes par jour, tout dépend de ce qu’on fait pendant ces cinq minutes. La répétition courte (moins fastidieuse) est beaucoup plus efficace que d’insister et de se forcer. On acquiert par là une nouvelle habitude qui peut se comparer à celle d’éprouver la faim ; sauf que là c’est notre « âme » et non notre corps qui a « faim ». Il y a à l’intérieur de nous, des choses qui ne demandent qu’à se réveiller …

Nous avons vu dans la première partie qu’au cœur du trac, il y a une envie mêlée de crainte. Et, ce que nous avons laissé en souffrance, dans lequel nous ne sommes pas présents ou pas assez, inonde notre mental, ce qui « rétrécit » notre possibilité de présence à soi. L’envie est alors rongée par le doute et la crainte devient peur.

D’un certain point de vue, nous nous trouvons dans un immense château dont on n’a pas exploré toutes les pièces : une porte grince et la peur nous fait imaginer toutes sortes de choses …

Avec la méditation, nous avançons pas à pas, explorant chaque chose, l’une après l’autre. On apprend à savoir s’arrêter, se reposer pour repartir avec un acquis sûr. Ce qui reste à faire vient en son temps. C’est maintenant la place laissée à l’illusion qui se rétrécit.


Notre mental revendiquera à un moment ou un autre et puis, il appréciera l’efficacité du calme qui s’installe un peu plus chaque jour. Il faudra juste s’acclimater au fait que l’on peut être surpris soi-même par soi-même.


Alors qu’est-ce que méditer ? Mettre au centre de sa conscience ce que l’on veut regarder, construire (par la représentation) et y accorder toute notre attention en laissant passer ce qui vient nous perturber. Car ce jeu mental sera de mieux en mieux perçu.


Cette nouvelle habitude d’être plus attentif s’installe progressivement et nous en bénéficions dans notre quotidien. Notre rapport avec l’extérieur change aussi. Nous devenons plus présents dans nos sens, nos perceptions. Du même coup, nous avons une meilleure appréciation de soi. Des signes nous alertent si quelque chose ne va pas ; ils étaient là avant mais nous n’y prêtions pas attention.


Dans une troisième partie, nous regarderons les exercices qui pourront nous aider car comme dans l’apprentissage de la musique avec un instrument ou par le chant, il est bon de s’exercer pour être attentif en s’occupant de son corps, son âme et son esprit.

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A venir :



3ème partie : S’exercer – les indicateurs – le calme – le silence – le repos