Pascal Montreuil, janvier – février 2015


J’ai écrit cet article à la demande de Christine Parrain, pianiste et claveciniste, professeur et concertiste. Il est plutôt destiné aux musiciens et chanteurs.

Je vous propose une conception originale qui repose sur les expériences de ma vie. Je connais le trac en premier lieu parce que j’étais très timide étant jeune et cette timidité se manifeste encore aujourd’hui par moments. D’autre part, j’ai fait un an de violon et cinq ans de piano (avec des concours) avant l’adolescence ; mais je ne m’estime pas musicien pour autant, bien loin de là (d’ailleurs, je ne pratique plus depuis longtemps).

A cela, s’ajoute aujourd’hui ma profession de relaxologue. De plus, j’étudie l’anthroposophie de Rudolf Steiner depuis plus de trente ans. Elle permet une approche très approfondie de notre nature humaine.

L’article est conçu pour tenir compte de facteurs essentiels qui peuvent jouer dans la vie d’un artiste.

Je ne propose pas une technique ou une méthode qui serait adaptée au jeu de l’instrument ou au chant. C’est plutôt un regard qui caractérise la confrontation au trac avec des éléments de compréhension sur notre nature humaine. C’est une expression libre qui ne demande pas d’être psychologue ou autre spécialiste. La vraie proposition est d’apprendre à se regarder soi-même pour reconnaître les éléments qui nous sont personnellement indispensables dans le but de mieux vivre les moments exceptionnels, les étapes majeures de notre vie.

Dans une deuxième partie, je proposerai des pratiques en précisant leur bien-fondé.


1. Se faire une idée du trac


Tous les symptômes du trac convergent vers une même chose : ils témoignent d’une situation exceptionnelle à vivre, qui demande plus de soi-même que dans notre quotidien. Un face à face avec un public ou un jury par exemple.


Il est révélateur que même si nous n’en sommes pas conscients, ce « plus de soi-même » manifeste une exigence particulière pour que des « énergies » soient mobilisées. Il se peut même que notre « premier trac » soit révélateur d’énergies insoupçonnées : nous ne nous connaissions pas de ce point de vue.


Et nous le savons tous, si la peur s’en mêle, alors ce trac peut nous empêcher de vivre cet « exceptionnel », voire nous faire passer à côté de quelque chose d’essentiel pour notre vie : examens, concours, défendre son projet, sa thèse, un concert etc.


Nous identifions là un « trac paralysant, invalidant ». Par expérience personnelle, je peux dire que celui-ci est vécu par les gens très timides. Nous pouvons tout à fait dire que face à une situation exceptionnelle, nous sommes intimidés. J’exprime cela pour dire que les personnes timides auront probablement à faire face à ce type de trac et que c’est leur « timidité » qu’il s’agit de regarder de près. Il se peut aussi que nous découvrions notre « degré de timidité » et c’est alors la circonstance exceptionnelle qui le révèlera.


Nous pouvons découvrir aussi une autre facette du trac : à l’opposé de la « paralysie », il se manifeste par une sorte d’euphorie. C’est le même phénomène en réalité. Par exemple, les timides peuvent par moment avoir ce côté débordant où « on ne les arrête plus » comme s’ils voulaient rattraper le temps perdu.


En présentant ainsi ce phénomène du trac, il est clair que nous avons à chercher un point d’équilibre : comment faire pour arriver à ce point ? Qu’y-a-t-il à comprendre de soi-même pour cela ? Il semble de prime abord que n’importe qui peut être touché par ce phénomène, ce qui suppose qu’on puisse en tirer des enseignements valables pour tous.

Remarquons aussi que certaines personnes vont trouver « naturellement » ce point d’équilibre et ont même la possibilité de se « servir » du trac. Seulement ce trac peut aussi être « sournois », si je peux dire, et il surgira chez ces mêmes personnes parce que momentanément peut-être, voilà qu’elles sont « fragilisées » pour une raison quelconque qui les touche personnellement.

Donc, et c’est seulement ainsi que je peux rejoindre Sacha Guitry, le trac c’est comme le talent, ça se travaille, ça se vit ; et surtout pour les métiers artistiques, le trac est à mon sens à prendre comme un indicateur pour soi-même, de sa bonne forme, sa santé, son aptitude à faire face à cet exceptionnel, même si celui-ci fait partie de son quotidien (pensons aux tournées, aux représentations théâtrales etc.). Il peut être aussi une mise en alerte pour nous signifier que nous allons vivre une situation exceptionnelle.


Nous avons mis le doigt sur un point essentiel : toute fragilité, le doute, le manque de confiance, le manque de préparation, une « illusion » sur soi-même, une souffrance personnelle ponctuelle ou permanente (voire chronique) sont autant de points d’entrée qui permettront au trac de nous déborder.

Mais ne perdons pas de vue l’exigence de certains métiers qui demandent beaucoup de soi : artistes, athlètes, métiers à risques etc.

Beaucoup d’artistes vous diront que l’expérience, le professionnalisme, des habitudes en fait (voire des manies, des rituels), c’est cela leur garantie. Mais ils vous diront aussi que dans ce cas, la fraîcheur de la spontanéité de notre naturel ne peut pas ou difficilement s’exprimer. Un certain Jacques Brel a dit : si j’ai 1 gramme d’habileté, j’arrête de faire de la scène. Là, c’est un choix, avec toutes les conséquences que cela peut avoir.


Il arrive aussi que le fait d’être « en scène » nous transcende. Ce côté possible du transcendant est utilisé en art-thérapie.


En fait, il y a des exceptions dans l’exception. Il y a des cas où nous disposons pleinement des énergies mobilisées (pensons à certaines performances d’athlètes). Ces situations, ces vécus sont plus qu’exceptionnels. Ils peuvent parfois n’arriver qu’une seule fois dans sa vie. Ce sont là des moments de révélation personnelle, intimes ; ce peut être l’aboutissement d’une carrière par exemple. Dans ces moments, nous pouvons ressentir une plénitude, un accomplissement de soi-même. C’est le bon côté du trac, bien sûr. Retenons l’accomplissement, comme point de repère.

Mais c’est l’occasion de citer un danger du trac (ce phénomène mobilisateur d’énergies) : en faire une sorte de « drogue », c’est-à-dire de rechercher toujours à se transcender et si je peux dire, de vouloir être exceptionnel dans l’exception. Nous touchons là ce qui peut entraîner des désordres comme chez certaines « stars ». Le symptôme le plus connu : un égocentrisme exacerbé. C’est une marque d’un éloignement vis-à-vis de soi-même, par l’intérieur. L’autre côté, c’est se perdre dans la rencontre avec le public entre autres choses, d’être toujours dépendant de l’extérieur dans l’attente d’une appréciation, d’un jugement, d’une critique et bien souvent sans être capable de supporter un avis objectif.


Le point d’équilibre nécessite donc d’être toujours soi-même et conscient de l’être, et de veiller à l’être. En regard de ce centrage, accepter d’être bouleversé, d’être bousculé, pour se mettre en lien avec ses « énergies mobilisées » : stress, tensions, nervosités, émotions, etc. sont les manifestations de ces énergies que nous devons apprivoiser, que nous devons prendre en charge.

Sans prise en charge, si la peur est de la partie, elle s’emparera de nos énergies à notre place, pour tout dire. Et en lieu et place d’une mise en ordre par soi, ce sera le désordre avec des effets qui vont jusqu’à perturber notre physiologie.


La confrontation avec un public est aussi « mobilisatrice » d’énergies. Là, clairement, ceci vient de l’extérieur mais a tôt fait de nous influencer et de toucher nos propres énergies. C’est une façon de dire aussi que nous ne sommes pas « étanches » et que nous devons prendre aussi cela en charge. S’isoler dans une bulle me paraît impossible ; pas plus de se « cacher » derrière son instrument.


Maintenant, qu’est-ce qui peut nous aider ? Avec cette présentation du trac, nous voyons bien qu’il sera illusoire de chercher des remèdes ou des méthodes « miracles ». Nous serons nous-mêmes notre « médication », si je peux dire.


2. Les facteurs de la vie


Il importe de considérer que le trac se manifeste différemment suivant nos âges. Il se modifiera au fil de nos progrès, de notre assurance, de notre maturité : aussi bien la maturité dans le métier que celle de l’expérience de la vie. C’est dire que le trac peut mettre en évidence des repères essentiels de nos vies. Il fait partie des manifestations de notre vie « intérieure » au même titre que la peur peut nous signaler un danger. Comprendre cela nous conduit à une écoute et une observation de soi qui n’ont rien de « nombrilique ». Et bien sûr, cette écoute et cette observation s’affineront avec le temps. Nous aurons sans doute besoin d’une pratique qu’il s’agira de mettre en place.

Je dirais que le trac stimule notre sensibilité. Il « amplifie » nos impressions, nos sensations et donc nos émotions. Ce qui est habituellement neutralisé par nos habitudes, notre quotidien répétitif (et nos blocages) est « réveillé » et cela peut être brutal. Et voilà comment nous sommes bousculés intérieurement : tout à coup, un filtre est enlevé et nous voilà confrontés plus directement à tout ce qui vient à nous, avec la mobilisation mentale et émotionnelle qui vont avec. C’est donc bien une situation exceptionnelle au regard de notre quotidien.

Alors, existe-t-il une possibilité de se mettre soi-même dans un état exceptionnel volontairement, délibérément, pour constater tout cela ? Gardons cette question en suspend …

Le trac lui, vient parce que nous allons être confrontés à quelque chose qui n’est pas entièrement délibéré : se préparer à un événement exceptionnel n’est pas la même chose que d’y être. Il y a au moins un effet de surprise. On a beau s’y attendre, passé le rideau de la scène, plus rien ne semble pouvoir nous protéger.


Autre chose : Remarquons qu’à notre époque, nous sommes stressés (voire plus) ne serait-ce que par les sollicitations permanentes de nos sens : bruits, lumières, rythmes etc. Pourquoi cela nous perturbe-t-il ? Parce qu’en tant qu’humain, nous ne pouvons pas intégrer tout cela. Une agitation intérieure non maîtrisée est là en permanence. Et soyons honnêtes, un combat « intérieur » est engagé presque tout le temps (inconsciemment) : nous essayons avec tous nos moyens de ne pas être submergés ; certains y arrivent « naturellement », d’autres pas …

Je suis bien placé pour le savoir. La première conséquence est une agitation « mentale » qui se traduit par une préoccupation quasi permanente, ce qui est la marque d’une tentative d’intégrer tout ce flot d’impressions et de sensations. Ne pas y arriver, c’est avoir en soi des éléments « parasites » qui nous « bouffent » la vie, ne nous leurrons pas !

Avec le trac, nous avons au moins un avantage : nous savons d’où viennent l’amplification, l’agitation. Mais voilà ! en agitant le tout, les éléments parasites sont là eux aussi et comme nous cherchons à les refouler, les neutraliser tant que nous n’arrivons pas à les intégrer, ils sont plus difficiles à déceler. Il en va de même pour tout ce que nous n’avons pas pu intégrer : je pourrais dire aussi, tout ce que nous avons laissé en souffrance…

J’en profite pour dire que tout ce qui est ainsi livré à lui-même, en soi, c’est cela qui nous « électrise »


Que nous faut-il pour parvenir à intégrer ce qui nous échappe et nous agite ?

Nous avons avant tout besoin de repos, de calme et de silence. Nous avons besoin de moments où nous sommes sûrs d’être soi-même avec soi-même. A notre époque, c’est même une nécessité. Peu importe de donner un nom pour l’instant à cette pratique proposée ; l’essentiel c’est en premier lieu, d’en comprendre l’importance avant que cela ne devienne urgence !

Le repos est nécessaire pour la régénération du corps, le silence pour la régénération du psychisme. Le calme est nécessaire pour notre paix intérieure (apaiser notre mental notamment). Il est quasiment impossible de bien se percevoir et se ressentir sans ces moments que l’on choisira délibérément. Une fois ces dispositions acquises, il est même possible de se voir dans la tempête. C’est grâce à ces moments que nous pouvons voir les progrès à faire mais aussi ce qui est accompli. Ces moments nous garantissent de créer de façon vivante une véritable confiance en soi. Cela créera un référent sur lequel nous pourrons nous appuyer quand vient le trac.


Pour exercer un art qui exige un don de soi, il me semble de la plus haute importance d’intégrer dans sa vie ces moments de ressourcements qui nous mettent dans un rapport juste avec soi-même.

Pour les musiciens, le plus parlant c’est peut-être de dire : s’accorder avec soi-même…


Nous en sommes arrivés à ce point maintenant : Comment s’y prendre, sachant que nous allons devoir agir ? C’est normal d’avoir le trac ; et ce trac est inévitable, on ne peut pas l’escamoter, le nier, et le refouler ; ce serait lui donner plus de force encore jusqu’à le faire se manifester dans des zones inconscientes et ceci à tel point, qu’il sera à un moment presque impossible d’agir ; il se peut même qu’en le refoulant ou en cherchant à le contrôler, une maladie, une manifestation physique apparaisse : certains vont alors jusqu’à se droguer (se médicaliser) pour tenter « d’endormir » ces énergies incontrôlées. Et nous avons compris que ce trac peut aller « chercher » ces éléments non intégrés laissés en souffrance…


J’ai peut-être tracé un tableau qui peut paraître négatif, sans doute parce que j’y amène une expérience personnelle qui m’a mis en face de personnes très perturbées.

Bien sûr que le trac peut aussi se cantonner à avoir la bouche sèche, les mains moites, le nœud au ventre, les jambes en coton, des tremblements dans tout le corps et qu’après avoir maîtriser cela pendant une prestation, il suffira de quelques mouchoirs pour éponger les larmes qui viennent en se relâchant, avec les sursauts saccadés de l’émotion qui dé-rythme la respiration. Et c’est peut-être quelque chose à vivre, ne serait-ce que pour avoir connaissance de ces effets du trac bien connus.

Ce qui va être important maintenant, c’est d’arriver à savoir si cela est vivable sans dangers et aussi que cela ne nuise pas à notre jeu ou notre chant et aussi à notre quotidien. Mais ce sera aussi l’occasion de découvrir quelque chose qui peut vraiment nous aider pour progresser dans notre vie et notre métier, avec plus d’assurance, plus de sérénité.


3. le point d’équilibre – mieux se connaître par soi-même


Qui dit point d’équilibre, suppose qu’il y a au moins deux choses en balance. Nous avons en nous une « fonction régulatrice » qui permet d’établir un équilibre entre deux éléments en polarité : j’ai cité par exemple le trac qui paralyse ou rend euphorique. Le phénomène est en réalité complexe. Disons plutôt que le trac me permet de mettre en évidence cette régulation : dans notre nature corporelle, c’est ce que nous trouvons dans la respiration, les battements de notre cœur et bien d’autres rythmes qui sont agissants ou sont la marque d’une « action inconsciente ». Pendant le trac, la respiration et le rythme cardiaque sont perturbés mais la fonction équilibre est bien là. Le rythme augmente mais nous inspirons et nous expirons et le cœur est toujours à osciller entre diastole et systole. (je ne parle pas d’états maladifs où ces rythmes sont brusquement arrêtés). Constatons simplement que pendant le trac, tout doit fonctionner de façon étriquée. Disons par exemple que le cœur doit battre le même nombre de fois mais dans un temps plus court, rétréci (comme dans l’essoufflement).

Nous, ce qui nous importe maintenant c’est de commencer à reconnaître quelque chose qui n’est ni plus ni moins que soi-même. Hors, ce qui régule ainsi toutes nos fonctions vitales (nous verrons aussi que c’est le cas pour nos fonctions psychiques) est quelque chose qui agit en se référant à un centre mais qui est englobant aussi : prenons le même mot qu’employait Rudolf Steiner dans l’anthroposophie, le « moi ». Dans notre quotidien, nous ne connaissons ce moi que lorsque nous disons « je ». Mais à bien y regarder, bien que ce moi nous soit le plus familier dans notre personnalité, ce qui fait que nous nous connaissons, il est beaucoup moins familier dans son rôle de « régulateur » au niveau de la vie corporelle et psychique. En effet, dès que nous touchons ces fonctions vitales corporelles, nous n’avons pas ou peu conscience de ce qui se passe en réalité. Dans notre quotidien, il est normal de ne pas se préoccuper de sa respiration à tous les instants, pas plus que des battements de son cœur. Quand avons-nous notre attention attirée par tout cela ? Lorsqu’il y a désordre, douleur, souffrance… et bien sûr, quand nous avons le trac …

Nous qui connaissons le trac, nous voyons que d’un seul coup, tout un tas de choses habituellement inconscientes montrent le bout de leur nez… (il importe d’y inclure ce que nous avons refoulé).

Ce « moi » témoigne de ce que l’on est vraiment. La personnalité elle, est la résultante de l’hérédité, de notre éducation, du lieu où l’on est né et où l’on vit, de la langue parlée et tout cela est plus ou moins intégré par notre « moi ». Par l’expérience de la personnalité dans la vie, notre moi s’enrichit, évolue, tout en étant d’une certaine manière avec cette constante existentielle. Je ne débattrai pas de croyances ou autres à ce sujet. Un regard judicieusement posé sur soi permet d’arriver à ces constats.


Notre concept de point d’équilibre doit maintenant être affiné car nous ne sommes pas très avancés en voyant que nous pouvons être ballotés entre deux extrêmes comme paralysie et euphorie.


Pour que ces notions nous parlent plus directement, je vais avoir recours à des images qui nous serviront de repères :

La première image est celle de la corde du violon accordée sur sa note.

La deuxième, je l’apparenterai à cette notion : c’est grâce aux silences que se révèle la musique.

J’ai pris ces images car l’article est destiné aux musiciens.


De notre première image, la corde de violon, nous allons tirer une leçon : c’est la fameuse légende du Bouddha : il prend conscience que l’ascétisme ne le conduira pas à découvrir la liberté et s’affranchir de la souffrance. Si la corde est trop tendue, elle casse ! Si elle ne l’est pas assez, elle ne sonne pas ! (les deux extrêmes de notre fonction « équilibre »). Notre travail, c’est pour arriver à cet équilibre ténu qui fait que ça sonne « juste » : cette extraordinaire voie du milieu.

Accorder notre personnalité à l’événement, voilà l’ampleur de la tâche.


Avec la deuxième image, je mettrai les notions de repos, calme et silence (cités plus haut) : sans ces moments, il n’est pas possible que nos fonctions corporelles, psychiques et spirituelles se révèlent à leurs justes mesures. La respiration, les battements de notre cœur incluent des temps de repos.


Premières conclusions :


Le trac se manifeste à l’occasion d’un événement exceptionnel et important dans notre vie. Par lui nous pouvons être « brutalement réveillés » avec des manifestations corporelles et psychiques difficilement maîtrisables. Des aspects inconscients – habituellement – tentent d’émerger dans notre conscience et alors nous voilà confrontés à la peur et au doute. Un phénomène d’amplification apparait, un filtre est enlevé, et du même coup nous voilà confronté à un nous-mêmes « inconnu » qui mobilise sans rien contrôler, sans rien maitriser. Je pourrais dire : qui laisse la personnalité livrée à elle-même ; un peu comme un orchestre symphonique que l’on laisserait faire sans le chef.


Notre auto-perception nous fait alors défaut et en utilisant les moyens habituels pour tenter une maîtrise, un contrôle, nous voilà dans des difficultés qui paraissent insurmontables.

Remarquons aussi qu’en nous concentrant sur ce que nous avons à faire, nous réussissons à nous « faire une place » dans cette agitation engendrée par le trac. Dès que cette concentration s’arrête, le flot émotionnel des énergies retenues demande sa part.


Le trac se manifeste toujours lorsque nous allons être plongés dans une relation à l’autre, aux autres.


Avant d’engager un travail sur soi, nous n’avons pas le choix, il faut faire avec ces perturbations et/ou utiliser des moyens qui ne nous ferons pas forcément « grandir ».


En y regardant bien, le trac est donc là dès que nous avons à nous accomplir.


Très clairement, nous constatons la nécessité d’aller au-devant de cet « inconnu » de soi avant que cela ne se manifeste par le trac. Nous sommes alors confrontés à une exigence nouvelle qui nous demande de nous connaître plus profondément. Nous avons besoin de découvrir une présence à soi-même que nous aurons besoin de faire grandir pour aller au devant de ce qui n’est pas encore « intégré » mais qui vit en soi. J’ai appelé volontairement ces « éléments parasites non intégrés », comme « ce que nous avons laissé en souffrance » … (ceci est à prendre sans aucune arrière-pensée de culpabilité).

Et sur ce chemin, nous croiserons deux « gardiens » : la peur et le doute. Ces deux « gardiens » nous renseigneront toujours sur une chose : réussissons- nous à être nous-mêmes ou pas … Et l’un nous renvoie à l’autre …


Notre premier trac a souvent lieu lorsque nous sommes encore jeune : on va nous interroger sur une leçon ou réciter (lire) un texte. Devoir s’exprimer au milieu des autres, seul à le faire …

Dans un autre registre, lorsque nous avons l’occasion de rencontrer une personne que l’on admire, que l’on estime, un désir, une envie mêlée de crainte nous habite.

Je pense que le cœur du trac est de ce genre : une envie mêlée de crainte (pas la peur au départ). Derrière cela, il y a une belle énergie qu’il est bon de laisser intacte.


Le trac est le lot quotidien des personnes timides et nous avons en chacun un degré ou commence notre timidité.


Le trac est donc révélateur de « comment nous pouvons être touchés et jusqu’à quelle profondeur ». C’est notre sensibilité qui est en premier lieu contactée. Y sommes-nous suffisamment « présent » dans cette sensibilité ?

Pour les artistes, c’est un facteur important et déterminant ; car assurer sa présence dans cet élément sensible nous garantira de pouvoir partager sainement avec un public (dans le sens d’un esprit sain dans un corps sain). Ce sera alors la possibilité d’être dans un vrai don de soi …


Les deux images-repères vont nous aider à nous construire pour trouver un équilibre ténu, une juste tension qui sera la résultante d’une présence à soi-même pour être totalement disponible pour se donner dans notre art. Là, le trac se résumera à notre corde tendue prête à résonner pour la musique dans le calme de notre présence.


Pour alimenter un peu plus notre réflexion sur nous-mêmes, mettons tout de suite une difficulté courante en évidence. Etre soi-même demande de ne pas se comparer aux autres. Krishnamurti disait : comparez A et B et vous détruisez l’un et l’autre. C’est un véritable danger que de vouloir se mesurer. Toute la démarche proposée passe par essayer de se voir tel qu’on est. Admirer réellement n’est pas se mesurer ou rivaliser, mais avoir un modèle qui nourrit notre idéal pour se réaliser soi-même.

Un travail sur soi passe par ce genre d’interrogation et il y en a d’autres, bien sûr.




Je décrirai ensuite des connaissances nécessaires, des moyens, des pratiques qui peuvent convenir pour nous aider.


A venir :

2ème partie : Comment agit le trac – vers de bonnes pratiques