L’usage des instruments à cordes et à archet en Arménie est mentionné dès le IXe siècle. Les fouilles de la ville de Dvine, ancienne capitale de l’Arménie, ont livré une assiette dont le décor représente un musicien jouant d’un instrument semblable au violon. Par ailleurs, le mot djoutak, qui signifie violon en arménien, est présent dans de nombreuses sources médiévales arméniennes, surtout à partir du Xe siècle.
Plus tard (aux XIIIe-XVIIe siècles), des instruments à cordes, ou des musiciens qui en jouent, sont représentés sur les miniatures médiévales. On trouve aussi divers noms : djoutak, kémani, kémantcha. L’instrument kémani était fréquent dans le nord de l’Arménie historique, le long de la rive de la Mer Noire et il y est encore utilisé de nos jours par les Arméniens de Soukhoumi, originaires de Hamchen. La musique traditionnelle jouée sur le kémani est principalement composée d’airs de danse que le musicien exécutait en dansant lui-même avec les gens de son village, l’instrument suspendu avec une corde à son cou en position verticale. Ces airs de danse sont habituellement rapides, énergiques, d’un rythme très riche, et pleins d’accents inattendus. On joue à la fois sur deux ou trois cordes, ce qui crée une intéressante résonance d’accords, parallèlement à un usage abondant de quartes en présence de nombreuses dissonances.
Au XXe siècle, de nombreux groupes jouant d’instruments nationaux ont été organisés en Arménie et il est devenu indispensable de créer des variétés de kémanis : alto, ténor basse. De nombreux kémanis de formes et d’accordages différents ont été créés. Dans cette variété, nous considérons que les meilleurs kémanis sont ceux que fabrique le luthier Martin Eritsian, instruments fréquemment utilisés tant en Arménie qu’en diaspora.
En 1983, nous avons fabriqué avec Martin Eritsian une nouvelle variété de kémani (viole Arménienne), actuellement unique au monde par ses dimensions, sa forme et son accordage. Semblable à la viole de gambe européenne, il a six cordes et ses capacités résument toutes les variétés de kémanis, présentant un large spectre d’exécution solo et en groupe.
A la différence de la viole de gambe, son manche ne comporte par de frettes, ce qui donne la possibilité de jouer les quarts de ton, si fréquents dans la musique orientale. Le son du viole Arménienne est à la fois cordial et solennel, capable d’exprimer les sentiments tant ardents que raffinés et mystérieux de la musique médiévale arménienne, surtout la musique sacrée, rapprochant ainsi le style populaire traditionnel des valeurs classiques communes à toute l’humanité.
Grigor Arakélian, compositeur
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